Unclutched


Que signifie "Être unclutched"?

Le mental n’est rien d’autre qu’une collection de pensées. Une pensée succède à une autre. Mais, de par notre nature même, nos pensées sont déconnectées. Elles sont comme des bulles dans un aquarium. Les bulles dans un aquarium ne sont pas connectées. Elles sont très distinctement séparées. Mais elles semblent être connectées. De la même manière, nos pensées ne sont pas connectées, bien qu’elles paraissent l’être. Vous pouvez faire le petit exercice suivant :

Ecrivez toutes vos pensées, comme elles viennent. Asseyez-vous pendant dix minutes en silence, et commencez tout simplement à retranscrire vos pensées par écrit. N’essayez ni de les contrôler, ni de les arrêter. Restez silencieux  et voyez les pensées arriver en vous. Dès qu’une pensée survient, écrivez-la rapidement sur un papier. Faites cela pendant 10 minutes. A la fin des dix minutes, lisez à haute voix ce que vous avez écrit. Vous verrez que c’est le journal intime d’un fou ! C’est le chaos total. Il n’y a aucune connexion entre une pensée et la suivante. Toutes les pensées sont "unclutched” et déconnectées. Ce n’est que lorsque vous mettez vos pensées sur papier que vous arrivez à savoir que les pensées n’ont pas de vraies connexions. Vous pourriez bien penser vous préparer une tasse de café, et l’instant suivant, vous pourriez bien penser à votre travail au bureau, qui a pris du retard. Il n’y a pas de vraie connexion entre la tasse de café et le bureau. Tous deux sont des événements indépendants. Même s'il y a deux pensées consécutives à propos d’un même sujet ou événement, les deux pensées seront intrinsèquement déconnectées, et sans aucune continuité. Il existe toujours un espace entre deux pensées. Il y a toujours un court moment de silence entre ces pensées ; les pensées sont "unclutched" par nature.

Le problème commence lorsque nous connectons ces pensées. Nous connectons ces pensées déconnectées, et nous en souffrons. Par exemple : vous pourriez bien avoir mangé une glace il y a dix ans, vous pourriez avoir mangé une glace il y sept ans, et vous pourriez bien avoir mangé une glace il y a deux ans, et vous pourriez avoir mangé une glace hier. Toutes ces expériences vous ont peut-être apporté beaucoup de plaisir. Vous pourriez bien avoir apprécié la glace à chaque fois que vous l’avez mangée. Le problème est que vous connectez ces expériences et créez une chaîne de penséesimaginaires,  vous croyez que manger des glaces vous rend heureux. Alors, vous allez essayer de répéter cette expérience dans l’avenir. Vous connecterez toujours des pensées similaires, et créerez une chaîne de pensées. Aujourd’hui, vous pourriez bien ne pas apprécier autant la glace que vous avez tant aimée quelques jours auparavant, ou une année auparavant. Mais vous allez vous persuader que vous l’aimez, même si vous ne l’appréciez pas tant que ça ! Vous avez l’habitude de connecter les pensées, et donc vous commencez à croire inconsciemment que vous appréciez les glaces.

La même chose se produit dans le contexte des expériences douloureuses. La souffrance que vous avez expérimentée il y a dix ans, la souffrance que vous avez expérimentée il y a sept ans, la souffrance que vous avez expérimentée il y a trois ans, et la souffrance que vous avez expérimentée hier sont des événements indépendants. Il n’y a pas de connections entre ces événements. Mais vous créez ces chaînes de pensées imaginaires, et commencez à penser que "votre vie est une vraie souffrance". Si vous avez eu beaucoup d’expériences agréables dans votre vie, vous dites "ma vie est un vrai plaisir !". Mais, en fait, rien de cela n’est vrai. Votre vie n’est ni un plaisir ni une souffrance, car le processus lui-même de connecter ces événements entre eux est une erreur. L’idée même que les pensées sont connectées est une conception erronée. Et nous ne connectons pas toutes les pensées. Nous ne connectons que les pensées dont nous nous rappelons, et créons une chaîne de pensées avec celles-ci. Tout comme vous sélectionnez quelques fleurs et en faites un collier de fleurs, à partir du million de pensées que vous avez continuellement vous ne connectez que quelques pensées, celles dont vous vous rappelez, et vous créez une chaîne de pensées. Lorsque nous créons cette chaîne de pensées, nous souffrons.

Si vous avez créé une chaîne de plaisirs, alors vous essayez d’étendre cette chaîne, parce que vous voulez encore expérimenter le même plaisir. Si vous avez créé une chaîne de pensées douloureuses, alors vous essayez d’en sortir d’une manière ou d’une autre, parce que vous voulez éviter la souffrance. Vous ne pouvez ni étendre la chaîne, ni la briser, car elle n’existe pas. Cette chaîne elle-même est un mythe. La création de cette chaîne de pensées est devenue une autre chaîne en vous.

Toutes vos expériences sont des expériences indépendantes. Dès que vous avez connecté ces expériences entre elles, vous vous êtes créé votre propre enfer. Vous avez créé de la souffrance. Maintenant, vous allez comprendre pourquoi la souffrance est aussi imaginaire. Elle est basée sur quelque chose d’imaginaire. Elle est basée sur quelque chose d’irréel. Elle est juste une apparence. La chaîne de pensées est irréelle, elle n’existe pas. Ainsi, la souffrance créée par la chaîne des pensées est également irréelle. Une fois que vous réalisez cela, vous êtes libéré.

Parce que nos pensées sont si puissantes, elles ont la capacité de se lier à d’autres pensées et de créer une chaîne de pensées imaginaire. Ce processus de créer une chaîne imaginaire de pensées  est une fonction de l’ego. L’ego et les pensées ne sont pas deux choses différentes. Ceci dit, créer des associations de pensées, c'est aussi une activité des pensées. Alors, en réalité, l’ego n’existe pas en soi parce que la chaîne de pensées n’est pas réelle. Cette chaîne de pensées est imaginaire. L’ego est juste un nom que nous donnons à ce processus d’association d’idées. Une impression de continuité est créée grâce à cette association et cette impression nous donne l’illusion de l’ego.

Jusqu’à maintenant, toutes nos pensées sont connectées. Nous pensons donc que nous avons un ego. Mais toutes nos pensées sont, de par leur nature, indépendantes. Alors, l’idée de l’ego n’est qu’une création imaginaire, puisqu’ il n’y a rien qui connecte ces pensées. Ainsi, nous sommes "unclutched" de par notre nature même. L’état d’illumination est déjà en nous, il ne nous reste plus qu’à l’exprimer.

Une personne expérimente le plaisir ou la souffrance en fonction de sa destinée. Elle n’a pas le choix. Vous ne pouvez choisir ni le plaisir ni la souffrance. Mais vous avez le libre arbitre de ne pas connecter ces expériences et de ne pas créer d'associations d’idées. Vous êtes attaché à une personne où a quelque chose parce que vous créez une chaîne de pensées d’attachement. La relation que vous expérimentiez il y a trois ans, la relation que vous expérimentiez il y a un an, et la relation que vous expérimentez maintenant sont trois choses indépendantes. A partir du moment où vous essayez de connecter ces trois événements, vous essayez de prolonger ou de briser une chaîne d’idées en rapport à cette relation. Si la relation est une relation qui vous apporte du plaisir, vous vous attendez à ce que la relation vous apporte également du plaisir dans le futur. Si la relation vous fait souffrir, vous essayez de la briser, ou de créer l’idée que cette relation n’est pas bonne pour vous. Mais vous ne réalisez pas que vous vivez une nouvelle relation à chaque instant, parce qu’à chaque instant, deux nouvelles personnes s’associent l’une à l’autre, puisque de par notre nature même, nous sommes "unclutched", donc "nouveau" à chaque instant.

Le vrai problème n’est pas le plaisir ou la souffrance en soi. Le vrai problème découle de notre compréhension erronée de ces concepts, et de l’association de pensées qui en résulte. Si un sage ressent du plaisir, il l’appréciera pleinement, puis abandonnera l’expérience. S’il ressent de la souffrance, il souffrira, puis passera à autre chose. Il ne les associera pas de manière horizontale, dans le temps. Dès que nous prolongeons une expérience sur le plan temporel, horizontalement, nous souffrons.

Nous pouvons expérimenter vivre dans ce monde et être tout de même centré dans la paix et l’harmonie. Il n’est pas du tout nécessaire de renoncer à quoi que ce soit d’extérieur. Seule la notion erronée de qui nous sommes doit être abandonnée. Dès que nous cesserons de créer des chaînes de pensées, nous réaliserons que l’identité à laquelle nous essayions de nous rattacher était en fait la cause de notre souffrance. Nous pouvons entrer dans un pur espace de félicité dès que nous abandonnons cette fausse identité. Dès lors, les incidents extérieurs ne vont plus nous affecter, parce que nous aurons abandonné l’habitude de connecter ces incidents. Alors, tout incident sera un nouvel incident pour nous. Nous commencerons à voir la vie sous un angle bien plus merveilleux. Tout semblera plus gracieux. Nous cesserons de considérer que tout va de soi.

 Dès que vous commencez à accepter la vie comme elle vient, la félicité éclôt naturellement en vous. Les circonstances extérieures ne peuvent vous affliger que si vous le permettez. Personne ne peut vous déranger sans votre permission silencieuse. Les gens se plaignent et pensent que s’ils vivent dans le moment présent, il se pourrait qu’ils soient exploités par les gens de leur entourage. Que ce soit bien clair, personne ne peut vous exploiter ou vous déranger sans votre permission silencieuse. La félicité apparaît d’elle-même une fois que vous comprenez que vous êtes "unclutched".
Quand vous essayez d’aller à l’intérieur ou à l’extérieur de vous-même, tant que vous essayez d’aller quelque part, vous manquez la vérité ! Le processus même de voyager en direction de quelque chose ou penser aller quelque part vous éloigne de la vérité. La vérité est ici maintenant. Il n’est pas nécessaire d’aller quelque part. Il est inutile de voyager. Une fois de plus, éprouver le besoin de voyager pour se rendre dans un lieu quelconque prouve que vous avez créé une chaîne de pensées. Nous constatons des progrès. Mais il ne peut y avoir de progrès, parce qu’il n’y a personne qui progresse ! L’individu meurt à chaque instant. Alors, qui progresse ? Lorsque vous serez "unclutched", vous exploserez automatiquement sur 360°. Alors, la question d’être matérialiste ou spirituel ne se posera plus. Ainsi, Sankara dit qu’il n’est ni sous un joug, ni libéré. Il a dépassé les deux états. Ce ne sont que des concepts.

Notre "Moi" ne peut pas être amélioré. Certaines personnes travaillent à l’épanouissement de leur personnalité. Mais quelle personnalité allez-vous développer ? Et tout d’abord, existe-t-il vraiment un Moi ? Vous n’êtes qu’une succession de pensées déconnectées. Si vous essayez de développer votre "Moi", tout ce que vous allez créer n’est qu’une nouvelle chaîne d’idées déduisant que vous êtes développé ! Cela va peut-être vous donner un semblant d’assise dans la vie, mais ce ne sera qu’une impression. En vérité, le "Moi" ne peut être développé, le "Moi" imaginaire ne peut-être que supprimé. Tant que vous essayez de développer votre "Moi", vous créez une chaîne de pensées !

Tant que le mental est présent, l’identification avec ce qui n’est pas réel continue.  Les pensées oscillent entre le passé et le futur. Penser au présent n’est pas possible. Dans l’instant présent, seul la conscience existe. Alors, tant que nous penserons, nous créerons des associations de pensées. Nous allons connecter ces pensées entre elles, et créer des chaînes de pensées de plaisir ou de souffrance.

Nous avons deux types d’identités. L’une est l’identité que nous montrons au monde extérieur, et l’autre est celle que nous montrons au monde intérieur. L’identité que nous montrons au monde extérieur est appelée "ahankar". L’identité que nous montrons au monde intérieur est appelée "mamakar". Ces deux identités sont constamment en conflit l’une avec l’autre. Par exemple, nous pourrions projeter au monde extérieur que nous sommes comme ceci ou comme cela, mais au fond de nous, nous savons qu’il nous manque certaines des qualités que nous projetons. Il y a toujours un écart entre ces deux identités. En fait, l’identité que nous projetons vers le monde extérieur est toujours supérieure à celle que nous sommes. Une personne essaie toujours de se montrer supérieure devant les autres.
En revanche, la valeur de l’identité que nous pensons avoir est toujours inférieure à ce que nous valons réellement. Vous avez dû remarquer que nous ne sommes généralement jamais satisfaits de nous-mêmes. Nous essayons constamment de nous améliorer d’une manière ou d’une autre. Soit nous sommes insatisfaits spirituellement, soit nous sommes insatisfaits matériellement. L’identité intérieure que nous véhiculons manque toujours de quelque chose, et l’identité extérieure que nous montrons dépassela normale. C’est pour cela que ces deux identités sont toujours en conflit.

 Pour cette partie de la méditation, réalisez simplement que vos pensées sont déconnectées, irrationnelles et "unclutched". Il n’existe aucune connexion horizontale entre vos pensées. Même si vous avez des pensées, n’essayez ni de les refouler, ni de réagir. Regardez-les simplement avec la connaissance qu’elles sont "unclutched". Alors, un état de  conscience, où vous êtes  témoin, commencera à se produire  en vous. Vous irez au-delà de ces deux identités. Vous réaliserez que vous n’êtes ni cette chaîne de plaisirs, ni cette chaîne de souffrances, mais que vous êtes le fond sur lequel ces deux chaînes sont créées.

Que vous le réalisiez ou pas, que vous l’acceptiez ou pas, vous êtes déjà illuminés. Vous êtes "unclutched", de par votre nature même. Alors, gardez cela en mémoire, asseyez-vous, restez en silence pendant quelques minutes, et expérimentez l’état "unclutched", l’état d’Être et de Félicité Pure. C’est la technique ultime pour atteindre l’état de l’illumination.